Aujourd’hui, j’ai 3 ans.

En ce jour si particulier, j’avais prévu un succulent repas suivi d’un petit somme bien mérité au coin du feu. Mais finalement, rien ne se passera comme prévu. En guise de cadeau, je n’ai pas de coussin moelleux ; ils ont décidé de m’offrir une parcelle de béton..

Aujourd’hui, j’ai 3 ans et pour fêter l’événement, je suis étalé sur cette route. Aucune émotion ne se lit sur mon joli minois. Je ne ressens plus rien. Ni le froid qui me paralyse, ni la faim qui me brûle l’estomac, ni la douleur de ces fractures. Rien, je ne ressens rien. Pas de douleur, de pas de manque et encore moins de colère. Je ne pense à rien. Je ne sens rien. Peut-être que quelqu’un remarquera ma présence sur le bord de cette route. Ou peut-être pas. Je suis là, et autour de moi la vie continue. Je suis mort, et alors ? Qui s’en soucis vraiment ? Je subis le même sort que des millions d’autres et tout le monde s’en fou. Si j’ai terminé ici, c’est sans doute que j’ai fais une connerie. S’ils l’ont décidé, c’est que je devais le mériter…

Ca y est, ça me revient ! Hier, j’ai entendu une conversation entre ma mère, mon père et mon grand frère. J’ai grandi un peu trop vite et je n’ai plus vraiment la taille de la peluche que les enfants aiment tant. Je suis devenu trop encombrant et pour partir en vacances, c’est plutôt gênant. Alors ils m’ont attrapé et jeté sur le pallier. Du jour au lendemain. Au début, j’ai essayé de revenir, et de les attendrir, mais personne ne m’a regardé. Alors j’ai airé, d’abord dans leur rue, puis dans leur quartier pour trouver de quoi manger. Mais d’autres, bien plus vieux et plus expérimentés, m’ont chassé. Alors je suis parti. Je crois que j’ai marché sans me retourner. Pendant des heures, pendant des jours. Sans eau, ni nourriture. J’étais perdu, j’étais épuisé. Je ne savais pas où aller. Et puis, en voulant traverser cette route, une voiture m’a ébloui avec ses phares. J’entends encore la musique et les éclats de rires. Le conducteur a foncé droit sur moi, il a accéléré jusqu’à me percuter de plein fouet. Puis la voiture s’est éloignée. Mon souffle s’est coupé, j’ai eu mal… Trop mal pour lutter. Trop mal pour espérer m’en sortir. Étalé sur la route, j’ai posé mon dernier regard sur la bande blanche que j’ai tâché de sang puis j’ai fermé les yeux. Il a suffi d’une seconde et tout était fini. J’ai quitté ce monde sans avoir de réponses à mes questions. Pourquoi abandonner ceux que l’on a un jour aimé. Pourquoi tuer pour le plaisir ? Je ne comprendrais sans doute jamais cette manie qu’ils ont tous à rire devant tant de souffrance. Pourquoi inflige tant de douleurs ? Après des mois passée dans la rue, je n’ai plus la force de me battre, je sens qu’une meilleure vie m’attend ailleurs. Mais j’ai peur. Peur pour les prochains, peur pour ceux qui subissent cette maltraitance au quotidien et qui n’auront pas la « chance » d’être percutés par une voiture pour en finir plus vite. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Je fête le jour de ma mort. Le jour où j’ai quitté ce monde où les mots “Homme” et “maltraitance” ne font qu’un. Un monde où ils n’ont toujours pas compris qu’adopter un animal est un engagement de toute une vie. Je m’appelais “Boule de poils”, je devais avoir trois ans et en me jetant dehors, ils ont signé mon arrêt de mort. Sur le bord de cette route, quelqu’un m’a assassiné mais ça, personne ne le saura jamais…